Histoire de la littérature française - Le Moyen-Age

 

Tendances générales:

Du VIIIe au XVe siècle, la culture française est marquée par la féodalité qui laissera bientôt la place à l'absolutisme des rois.

Au cours de ces 700 ans, qui ne constituent pas un ensemble homogène, des constantes apparaissent:

  1. La culture est internationale grâce au latin et la vie religieuse imprègne toute l'activité sociale et culturelle.
  2. La langue officielle (administration, sciences, poésie) c'est le latin; il n'existe d'ailleurs pas une langue française mais deux groupes de parlers "vulgaires" : au Sud les parlers d'Oc; au Nord les parlers d'Oïl. Le français (dialecte de l'Ile-de-France) ne s'imposera que vers 1539 (Ordonnance de Villers-Cotterêts), au même rythme que la consolidation du pouvoir royal.
  3. La culture (latine) est réservée à une élite soit qu'elle possède les livres très coûteux, soit qu'elle sache les lire. Les gens d'Église sont les seuls à détenir simultanément ces deux capacités.
  4. Beaucoup de textes se sont perdus ce qui nous laisse une impression d'incohérence.
  5. Les textes de cette époque sont destinés à être dits (rythme, versification, résumés, reprises, refrains,...); ils ne sont pas figés mais modifiés au hasard du plaisir des diseurs : le texte n'est qu'un aide-mémoire permettant à l'interprète de broder. On ne cherche pas, comme aujourd'hui, l'originalité mais plutôt le maintien de la tradition. Les auteurs puisent dans un univers de convention qui n'évoluera que très lentement.
  6. A côté de textes sérieux, il y a tout un courant parodique (cfr le Carnaval) ainsi les Carmina burana, poésie des Goliards.

Le Haut Moyen-Age (VIIIe - XIe siècle)

La renaissance carolingienne se caractérise par le retour à l'idéal impérial. La culture est mise au service du pouvoir politique (écoles, sciences, études et poésie latines).

En 842, le premier texte écrit (et conservé!) en "français", Les Serments de Strasbourg, illustre la rivalité entre les héritiers du fils de Charlemagne.

Par la suite l'empire carolingien se disloque, abbayes et bibliothèques sont ravagées ou abandonnées.

Le désordre anarchique des invasions normandes finit par susciter la féodalité où le pouvoir royal, très affaibli, s'appuie sur des doctrines religieuses (sacre du roi). La conception du découpage de la société en trois ordres s'établit : guerriers, ecclésiastiques, travailleurs. L'Église catholique joue un rôle important: limitation des guerres; progrès économiques (Cluny); échanges culturels (pèlerinages); architecture romane.

En littérature cette époque a laissé des textes marqués par les préoccupations guerrières ou religieuses:

    • des textes religieux et des chroniques
Chronique : récit des faits historiques rédigé au jour le jour, constituant la première forme de l'Histoire comme genre littéraire. POTELET
  • une poésie épique , les chansons de geste (Chanson de Roland )
Chansons de Geste (du latin gesta = exploits) : longs poème épiques écrits pas des auteurs anonymes et récités par des jongleurs. Les chansons de geste racontent, mêlant histoire, légende et merveilleux, les exploits de personnages historiques (Charlemagne, Guillaume d'Orange...). Au nombre d'une centaine, elles comportent entre 2.000 et 20.000 vers distribués en strophes ou laisses de longueur variable. La laisse est caractérisée par le retour de la même assonance (répétition de la même voyelle accentuée) à la fin de chacun des vers qui la constituent (ex. : visage, montagne). POTELET
  • le succès des épopées chevaleresques inspirera des remaniements parodiques (Roman de Renard )

La Renaissance du XIIe

Stabilité retrouvée, progrès économique, accélération des échanges (foires de Champagne), essor des villes, expansion militaire (Croisades).

Trois groupes sociaux sont à l'origine d'une renaissance culturelle le clergé, l'aristocratie, la bourgeoisie:

L'Église crée les Universités (Abélard). On y étudie la théologie, la médecine, le droit et les arts libéraux (Trivium : grammaire, rhétorique, dialectique) et Quadrivium : arithmétique, géométrie, astronomie, musique). L'Université développe un mode de pensée essentiellement basé sur les symboles.

L'aristocratie dispose de davantage de loisirs et les cours se divertissent de manière moins brutale. Après 1150, le courant courtois se développe, caractérisé par une certaine codification des rapports amoureux : la fine amor est décrite en termes de vassalité à la seule maîtresse de la récompense en "joy". Cette conception contraste avec la brutalité des moeurs et des lois. Elle donne lieu à une poésie close et parfois difficile.

Quelques exemples :

Les chansons volontiers narratives (chansons de croisades, d'aube, de toile...) et poèmes de trouvères et de troubadours comme Jaufré Rudel ou des auteurs plus personnels comme Chrétien de Troyes, Rutebœuf ou Marie de France. Progressivement apparaît une poésie non chantée où les marques du rythme sont plus nettes et les rimes plus travaillées (lais, ballades). Une oeuvre étonne par son originalité : Aucassin et Nicolette.

Le récit s'exprime en des romans en vers du cycle de Bretagne, ce terme correspond à l'ensemble actuellement appelé Bretagne et Royaume-Uni. (Tristan et Yseut , Lancelot , Perceval , Lancelot-Graal ) inspirés par la légende du roi breton Arthur.

Les villes commencent à édifier les cathédrales gothiques dont la décoration est destinée à instruire les illettrés. Autour du marché et des édifices religieux, se tiennent les jeux théâtraux, jeux de la Passion ou miracles comme le Miracle de Théophile.

Littérature bourgeoise : à partir du XIIIe siècle, avec l'apparition des bourgs et de la bourgeoisie, se développe une littérature plus populaire, dite bourgeoise, d'inspiration comique et satirique ou empreinte de réalisme mêlé de lyrisme personnel. POTELET

L'apogée culturel du XIIIe

Prospérité économique, échanges (Italie-Pays-Bas), expansion de la Chrétienté (Ordre des Templiers, Chevaliers Teutoniques, Reconquista, Marco Polo), problèmes politico-religieux (hérésies, Cathares, Inquisition), affermissement du pouvoir royal et apparition du concept de nation.

Les formes nées au XIIe se prolongent. En outre, quatre domaines sont créateurs : la science, l'histoire, la morale, le récit.

  • en sciences : la scolastique (Thomas d'Aquin) et l'alchimie font progresser les savoirs. La philosophie d'Aristote transmise d'abord par les commentateurs arabes (Averroès) devient une référence capitale.
  • en Histoire : Villehardouin, Joinville
  • la littérature moralisante : les fabliaux s'intéressent à la vie quotidienne et à la satire sociale. On diffuse bon nombre de recueils de proverbes, d'arts d'aimer, d'arts de mourir.
  • le Roman de la Rose, (Guillaume de Lorris & Jean de Meung) allégorie de la quête de l'Amour, apparaît pour longtemps comme le type même du littéraire, c'est-à-dire une fiction derrière laquelle se cache la Vérité.

L'Occident en crise (1300-1450)

Le début du XIVe siècle est plutôt prospère. Le roi ne délègue plus ses pouvoirs à ses vassaux. Après 1350, le climat général est marqué par une grande inquiétude. En effet, les famines (surpopulation et stagnation agricole) et la Grande Peste suscitent des comportements hystériques. La Guerre de Cent Ans (Jeanne d'Arc) ruine la France et affaiblit les pouvoirs du roi et du pape. Des mutations importantes vont se produire dans les mentalités.

La recherche scientifique se disperse, certains domaines de recherche (politique, par exemple) échappent à l'emprise religieuse.

La thématique chevaleresque recule. Par contre la poésie courtoise garde sa vigueur avec notamment les œuvres poétiques de Christine de Pisan, Charles d'Orléans.

Le théâtre est très actif : passions et mystères (Arnoul Gréban et Jean Michel, Le Mystère de la Passion , mais aussi textes allégoriques (moralités) ou comiques (soties et farces) La Farce de Maître Pathelin.

Farce : à l'origine, pièce comique introduite (comme la farce à l'intérieur d'un mets) entre les différents épisodes des mystères. POTELET

En histoire Froissart apporte une réflexion sur l'organisation politique.

Genèse de l'Humanisme (1450-1540)

L'Europe retrouve son dynamisme et la découverte des nouveaux mondes (Afrique, Inde, Amérique) contribue à l'enrichir. La mobilité retrouvée des hommes permet l'influence italienne et la diffusion des valeurs de l'Humanisme, à savoir :

  • le retour aux textes antiques grecs et latins, en entier et dans la langue originale;
  • la vulgarisation de la philosophie néo-platonicienne;
  • l'exaltation des capacités de l'Homme considéré comme un résumé du monde et apte à le dominer, aussi bien qu'à comprendre Dieu par sa création.

Le désir de rénover la religion s'appuie sur ce cadre philosophique : Luther, Calvin, Erasme. Vers 1540, l'imprimerie assure aux œuvres une diffusion plus étendue (Gutenberg, Plantin Moretus). En 1530, est créé le Collège de France.

Toutes les sciences bénéficient de ce renouveau : archéologie, magie, astronomie, médecine et surtout droit et histoire : Commynes (inventeur de notions comme civilisation, évolution, structure politique).

En poésie : François Villon.(Ballade des pendus )

Vers 1500, apparaissent les indices d'une évolution :

  • la fiction narrative se répand (premières nouvelles imitées de l'italien);
  • la poésie en latin subsiste et imite les Anciens considérés comme des modèles parfaits;
  • après la vogue d'une langue très technique, pleine de jeux formels (Grands Rhétoriqueurs), une tendance au retour au naturel se fait jour en poésie avec Clément Marot qui reste toutefois marqué par ce style savant.
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