Histoire de la littérature française - Les Temps Modernes

Tendances générales

En politique: la monarchie française, absolue et centralisée, acquiert un rôle dominant en Europe.

Sur le plan idéologique, l'Église et l'État sont dissociés mais solidaires; la censure d'État va progressivement s'ajouter à la religieuse. Nulle pensée ne peut s'élaborer sans se situer par rapport à la religion. Le sentiment national se renforce.

Au point de vue culturel, l'imprimé suscite une intense circulation des informations, le public s'accroît. Si, d'une part, on assiste au développement d'une réflexion individuelle; d'autre part, les Universités sont supplantées par des Collèges qui s'adressent aux adolescents et leur proposent une culture générale (standardisée?). Le modèle culturel dominant reste l'Antiquité, l'imitation domine. En littérature, le mécénat reste de règle mais de plus en plus les auteurs acquièrent une certaine indépendance grâce à la vente de leurs livres.

 

Humanistes et poètes de la Renaissance (1530-1570)

Humanisme : on donne ce nom au grand élan qui porte les hommes de la Renaissance vers l'étude des œuvres de l'Antiquité (le mot humanitas désignant, en latin, la culture). Les premiers humanistes sont des érudits : l'helléniste Guillaume Budé (1468-1540), le philosophe Erasme. Mais bientôt le terme se charge de significations nouvelles : il souligne la grandeur de l'homme délivré de l'emprise religieuse d'un Moyen Âge entièrement consacré à la gloire de Dieu. La Renaissance célèbre la gloire de la personne humaine : on construit des châteaux propices aux fêtes, tandis que les artistes (Michel-Ange, Le Titien, Jean Goujon) exaltent la beauté du corps humain. L'homme du XVIe siècle jouit de la nature et des charmes de l'existence terrestre. POTELET

Les thèmes et les sources philosophiques de l'Humanisme sont déjà bien établis dans le milieu intellectuel quand s'affirment deux groupes de poètes dont l'idéal est d'unir les vérités nouvelles à des formes "modernes" françaises. Le groupe lyonnais et le groupe angevin-parisien de la Pléiade sont ainsi en rupture volontaire avec l'internationalisme des intellectuels, pour promouvoir l'esthétique et les valeurs nationales.

1544

M. Scève

Délie

1549

J. Du Bellay

Défense et Illustration de la langue française

1552

P. de Ronsard

Les Amours de Cassandre

1555

L. Labé

Poésies

1558

J. Du Bellay

Antiquités de Rome et Regrets

La production littéraire s'offre désormais et espère des récompenses. Les auteurs, qui dépendent du mécénat, soutiennent la politique monarchique et l'ordre.

Après 1550, il s'écrit plus de livres en français qu'en latin.

La recherche formelle s'oppose à la spontanéité qui semble indigne de l'art. En outre, l'utilisation d'un langage peu courant donne du prestige à une classe sociale inférieure. Influence marquée de l'Italie ( Pétrarque) et de l'Antiquité gréco-latine.

Importance croissante des œuvres historiques, politiques, philosophiques.

En poésie: Le mouvement appelé La Pléiade vise à faire reconnaître la langue française au même titre que le latin.( "Défense et Illustration de la langue française "). Le sonnet, a la faveur des poètes.

Pléiade : groupe de sept poètes réunis autour de Ronsard et de Du Bellay, animés d'un même amour de l'Antiquité et décidés à instaurer une grande poésie de langue française. En 1549, Joachim Du Bellay fut chargé de rédiger le manifeste de cette jeune école, intitulé Défense et Illustration de la langue française. Il s'agissait de rompre avec les traditions littéraires du Moyen Âge, et de développer les grands genres issus de l'Antiquité (épigrammes, odes, élégies, épîtres, comédie, tragédie) ou de l'Italie moderne (en lui empruntant le sonnet). Il fallait enrichir la langue française, étouffée par la tutelle du latin et en même temps s'inspirer des grandes œuvres gréco-latines que l'on devait chercher à imiter. POTELET

 

L'essor de la prose narrative (1530-1570)

1533

F. Rabelais

Pantagruel

1534

F. Rabelais

Gargantua

Rabelais
Cette oeuvre est une des affirmations les plus triomphantes de l'optimisme et des thèmes politiques ou moraux de la Renaissance; mais elle constitue en même temps une critique permanente de cet optimisme, en ayant recours à des procédés littéraires médiévaux : parodies, recherche de l'absurde, agressivité burlesque héritées des traditions du Carnaval. Toutes les traditions populaires y coexistent avec les formes de la culture nouvelle. (M. M. Fragonard)

L'utilisation de la nouvelle, empruntée aux Italiens (Boccace) est un essai pour créer une littérature de formes et de thèmes plus communément accessibles.

Les romans d'aventure (Amadis de Gaule, Les quatre fils Aymon, Mélusine, ... cfr Don Quichotte ) restent cependant les best-seller de l'époque.

Les livres religieux et moraux continuent à être au centre des préoccupations du siècle et à être le lien culturel principal entre les diverses classes sociales.

 

La sensibilité baroque (1570-1650)

Le mot baroque vient du portugais "barroco ", qui signifie : perle irrégulière. Il s'applique d'abord aux arts plastiques de la fin du XVIe siècle, pour traduire un jugement péjoratif porté sur une esthétique de l'irrégularité, du mouvement, de l'ostentation. Peu violent en France, le Baroque dominera l'Europe durant le XVIIe siècle. En France, le courant baroque en littérature comporte une multitude de tendances contradictoires dans leurs visées et leurs modes d'expression, mais peut se centrer autour de quelques principes communs : goût de la sensualité, des extrêmes, de l'ornementation, du langage à effets.

Baroque : C'est un mouvement artistique qui s'est développé en Europe durant la période 1580-1660 et s'est étendu à tous les domaines (architecture, peinture, sculpture).
A l'origine, le mot avait des résonances péjoratives ("baroque" se disait d'une perle irrégulière); il caractérisait un art très orné, voire surchargé, où se donnaient libre cours la fantaisie et l'imagination; par son exubérance, il s'écartait d'une certaine norme jugée "de bon goût" par les Classiques.
Plus tard, le terme a désigné un style original où prédominent les équilibres instables, les lignes courbes, les trompe-l'œil et l'illusion. En littérature, il privilégie le mélange des genres, les situations romanesques, les images brillantes et recherchées :
Ses yeux jetaient un feu dans l'eau [...]
Et l'eau trouve ce feu si beau
Qu'elle ne l'oserait éteindre. (Théophile de Viau)
Le baroque n'est pas seulement une esthétique, il répond à une certaine conception de l'homme et du monde considérés comme étant soumis à un mouvement perpétuel : tout se modifie, se transforme, tout change; l'homme dispose d'une large liberté et peut prétendre agir sur ce monde. Conception qui s'oppose à l'idéal classique, selon lequel l'univers est permanent, figé. Le baroque se manifeste aussi bien dans l'écriture burlesque*, fondée sur le jeu des oppositions, que dans la manière précieuse caractérisée par une langage recherché.

 

1580

Montaigne

Essais

1616

A. d'Aubigné

Les Tragiques

1636

P. Corneille

L'Illusion Comique

1651

P. Scarron

Le Roman Comique

Grave conflit religieux et politique d'où surveillance par le pouvoir politique de la production littéraire et dogmatisme.

L'impact des découvertes laisse l'impression d'une grande instabilité des connaissances, c'est le scepticisme (Montaigne, les Essais )

 

Contradictions du baroque, genèse du classicisme (1610-60)

Le baroque, par son irrégularité même, était voué à susciter des formes de pensée non-conformiste. Le retour à l'ordre politique s'accompagne de mutations dans les mentalités et les pratiques culturelles. L'instruction se développe et fait naître un nouveau public mondain. L' "honnête homme" se distingue par sa politesse, son goût, sa sociabilité, sa galanterie. Prééminence de Paris. La tradition savante côtoie le divertissement mondain. L'héroïsme s'oppose au désir de mesure et d'intégration.

L'honnête homme : le siècle classique voit apparaître un idéal humain, celui de l'"honnête homme". Il réunit toutes les qualités qui assurent le succès dans un salon : culture générale, délicatesse de goût, sûreté du jugement, bonne éducation, galanterie, politesse, courtoisie. Évitant toute affectation, tout pédantisme, toute érudition, il "ne se pique de rien", selon la célèbre formule de La Rochefoucauld. Le duc de Nemours de La Princesse de Clèves, le Cléante de Tartuffe, le Clitandre des Femmes Savantes incarnent assez exactement cet idéal.
 
Préciosité : elle se développe dans les hôtels aristocratiques (tel que l'hôtel de Rambouillet) et les salons (celui de Mlle de Scudéry, par exemple). Elle procède d'un désir de s'élever au-dessus du vulgaire et se traduit par une recherche affectée de la ditinction dans les manières (le costume se complique, s'orne de plumes et de dentelles), dans les sentiments (apparition d'un code de l'amour précieux, qui, né de l'estime, ne peut unir que des âmes nobles), enfin dans le langage (langue châtiée, mépris des mots bas, respect de la grammaire, usage abondant de la périphrase : la perruque devient "la jeunesse des vieillards").
Face à la préciosité de bon aloi, qui consiste à rechercher la distinction, il existe une préciosité qui se rend ridicule par son exubérance : c'est celle dont se moque Molière. Malgré ses excès, la préciosité a contribué à forger la langue classique, dans sa volonté d'épurer le langage; elle a orienté la littérature vers l'analyse du coeur humain, ouvrant ainsi la voie à la psychologie classique.

 

1605

F. de Malherbe

poète officiel du roi

1610

H. D'Urfé

L'Astrée

1635

Instauration de l'Académie Française

 

1636

T. Corneille

Le Cid

1637

R. Descartes

Le Discours de la Méthode

1645

Voiture

Sonnets

1656

B. Pascal

Les Provinciales

 

Mlle de Scudéry

Clélie

1657

C. De Bergerac

Histoire comique ou Voyage à la lune

1670

B. Pascal (Ý)

Pensées

Dans la pensée religieuse apparaissent des contradictions. L'athéisme est puni de mort, cela n'empêche pas le libertinage (assimilable à la libre-pensée) : Cyrano de Bergerac.

Cartésianisme : méthode et doctrine de Descartes ayant ouvert la voie à la pensée moderne et selon laquelle la raison est la faculté infaillible, seule capable de conduire à la vérité. POTELET

La littérature religieuse est florissante : François de Sales (I. de Loyola, T. d'Avila, J. de la Croix). Le Jansénisme propose une doctrine plus austère.

Jansénisme : doctrine du théologien hollandais Jansénius, exposée dans L'Augustinus (1640) qui s'est développée en France dans le couvent de Port-Royal, et selon laquelle l'homme, dès sa naissance, est prédestiné au salut ou à la damnation, quels que soient ses mérites ou ses fautes. Pascal et Racine ont subi l'influence janséniste. POTELET

L'esthétique littéraire:

    • réalisme grotesque (Scarron)
Burlesque : d'inspiration baroque, le burlesque désigne une mode d'écriture très en vogue à l'époque de la régence d'Anne d'Autriche et de la Fronde (1643-1660). Il cultive l'art de la discordance et joue sur les effets d'opposition : tantôt, il met en scène un grand personnage auquel il prête un langage vulgaire; tantôt, à l'inverse, il prête à de petites gens le langage des héros (l'exemple le plus célèbre est Le Lutrin de Boileau). POTELET
  • courant héroïque et pastoral (d'Urfé, Scudéry, Voiture)
  • préciosité

Identification du langage et de la littérature : Richelieu crée l'Académie Française en 1635. Vaugelas établit les règles de la syntaxe.

Des théories sont élaborées (pour le théâtre surtout) soit qu'on privilégie le spectacle, soit qu'on privilégie le respect des règles.

L'esthétique est dominée par l'imitation des Anciens, surtout des Romains.

 

Le Classicisme (1650-1700)

L'élaboration du classicisme s'amorce en France (pays le moins marqué par l'esthétique baroque) dès 1630. Caractérisé par l'exercice de la Raison dans les règles établies, il recherche la pureté et la clarté dans la langue et la rhétorique, la simplicité, la juste mesure, l'équilibre et l'harmonie. Imitation des chefs-d'œuvre de l'Antiquité, souci du vraisemblable, des règles de l'art, considérées comme génératrices de beauté par leurs contraintes mêmes, moyens pour l'auteur et son public de s'assurer un langage commun. Le Classicisme atteint son apogée dans la première partie du règne personnel de Louis XIV. Spécifiquement français, et même parisien, il se répand peu à peu en province et en Europe et sera le modèle du Beau au XVIIIe siècle.

Classicisme : doctrine littéraire des écrivains du XVIIe siècle, prônant, à l'exemple des auteurs grecs et latins, un idéal d'équilibre, d'ordre et de mesure. Le classicisme obéit à des règles strictes fondées sur la raison, faculté maîtresse qui permet d'éviter toute faute contre le bon goût et de contrôler les débordements de l'imagination ou de la sensibilité. L'écrivain classique doit respecter la vraisemblance et demeurer impersonnel : il s'efface derrière son oeuvre et s'attache à l'étude de l'homme, car il croit en une nature humaine indépendante des lieux et des temps. Il s'exprime en une langue pure, sobre et élégante.

Cette esthétique correspond à une certaine conception du monde et de l'homme : celui-ci évolue dans un univers parfaitement immuable et achevé; malgré ses efforts, il demeure soumis à la fatalité et aux lois inéluctables qui pèsent sur sa nature (cf. les personnages de Racine). Le classicisme est un art de rigueur fondé sur des principes de beauté éternels. En architecture, il privilégie les lignes droites et les constructions symétriques au mépris du décoratif. La classicisme s'oppose au baroque et au romantisme. POTELET

1659-73

Molière

Dom Juan, Le Misanthrope, Tartuffe, ...

1661

J.B. Bossuet

Sermons de Carême

1665

La Rochefoucauld

Maximes

1664-91

J. Racine

Andromaque, Britannicus, Phèdre, Bérénice

1666

Création de l'Académie des Sciences

 

1668-78

J. de la Fontaine

Fables

1671-96

Mme de Sévigné

Lettres

1674

N. Boileau

Art Poétique

1678

Mme de la Fayette

La Princesse de Clèves

1688

J. de la Bruyère

Les Caractères

1690

Richelet

Dictionnaire

1691

Furetière

Dictionnaire

1694

Académie

Dictionnaire

1697

C. Perrault

Contes

La petite bourgeoisie fournit les érudits, la bonne bourgeoisie et la noblesse modeste, les écrivains d'agrément et d'art. La littérature se vend davantage mais les intellectuels doivent servir les Grands qui les aident à vivre. Toute publication est soumise au privilège royal et la littérature contestataire sera clandestine ou publiée à l'étranger. La presse naissante diffuse vers la province et l'étranger les idées et le goût parisien.

La littérature constate le déclin de l'idéologie et des ambitions aristocratiques, et la prépondérance de la monarchie, dont elle justifie les progrès. Elle met en forme des réflexions sur les obligations et la nature du pouvoir (Corneille, Racine). L'analyse des problèmes sociaux est plus restreinte que l'étude critique des moeurs et des caractères. En matière religieuse, l'adhésion profonde (Bossuet) voisine avec des conflits dissimulés libertinage (La Fontaine); jansénisme (Racine), hypocrisie (Tartuffe ).

Un code (règle des trois unités , par exemple, unités de lieu, d'intrigue, de temps. S'y ajoutent aussi l'unité de ton, et l'exigence de bienséance, de vraisemblance et de raison.) tend à se constituer selon lequel la connaissance ne peut se fonder que sur le général, le beau sur le durable, le bienséant sur le non-original. Soumission à la norme établie, donc.

Cet effort d'ordre et de rationalisation du Classicisme va de pair avec la diffusion de la pensée de Descartes et de la Logique du groupe de Port Royal.

Les formes les plus en vogue sont concentrées : nouvelle et roman psychologique, poésie narrative brève (fable), maximes et portraits, poèmes mondains et lettres. Le théâtre est à son apogée sous forme de comédies ou de tragédies.

 

Littérature de colportage (XVIIe-XIXe)

La littérature des "grands auteurs" est celle d'un public restreint : tirer à 1.500 exemplaires est déjà un succès. A côté d'elle, la littérature pour le grand nombre évolue peu et lentement, les colporteurs la diffusent en particulier en milieu rural. Née avec l'imprimerie, cette forme de diffusion littéraire disparaîtra après 1850. Elle n'est pas la seule forme culturelle populaire : les chansons et les contes appartiennent à une tradition orale, dont nous ne possédons aujourd'hui que des fragments. On est sûr de l'abondance de cette production (plus d'une centaine d'imprimeurs). Les plus célèbres : Nicolas Oudot (Troyes) imprime les brochures de la Bibliothèque bleue; Pellerin publie des almanachs à Epinal où se fabriquent les fameuses images d'Épinal.

Le répertoire est à la fois varié (piété, calendriers, recueils de recettes médicales, proverbes, légendes, romans d'aventure, plaisanteries, récits de bizarreries... mais aussi assez pauvre : il répète les principes essentiels de la société : morale, famille, traditions. Les thèmes sont stables et en nombre limité comme ceux des cultures orales traditionnelles. Les auteurs se pillent mutuellement et les mêmes textes se publient du XVIe au XIXe.

Le poids des colporteurs est énorme dans la diffusion des nouvelles. Les conservateurs du XIXe siècle ont accusé le colportage d'avoir perverti les campagnes avec la pensée révolutionnaire des philosophes : en fait, si cette pensée fut effectivement diffusée, c'est surtout par extraits isolés. Et, dans l'explosion révolutionnaire, les informations que faisaient circuler les colporteurs, ces journaux ambulants, et la situation économique furent assurément d'un plus grand poids que la littérature de colportage elle-même, d'ailleurs largement conservatrice. (M. M. Fragonard)

 

 

La crise de la conscience européenne (1680-1720)

Paradoxalement, alors que la France occupe un rang prépondérant en Europe, que le français devient la langue internationale de l'élite, et que se produit une intense réflexion sur l'art et sa nature, la création littéraire apparaît moins dynamique.

1688-97

C. Perrault

Parallèles des Anciens et des Modernes

1691-1752

Saint-Simon(Ý)

Mémoires

1699

Fénelon

Télémaque

1707-37

Lesage

Le Diable boiteux, Turcaret, Gil Blas de Santillane

1708

Regnard

Le légataire universel

1714

Fénelon

Lettre à l'Académie

Les bases politiques et culturelles du XVIIe siècle classique se trouvent remises en question par des mutations d'ampleur européenne :

  • La crise des monarchies absolues fait progresser la pensée politique et sociale (Locke, Fénélon). Les échecs de la fin du règne de Louis XIV font prendre conscience des faiblesses de l'absolutisme (Saint-Simon).
  • La crise est aussi religieuse : division dans l'Église catholique sur les pouvoirs respectifs du Pape et du Roi, conflit entre le pouvoir et les Jansénistes (Port-Royal), Révocation de l'Edit de Nantes .
  • Naissance de grands systèmes philosophiques non-chrétiens (Leibniz, Spinoza, Berkeley, Locke). La philosophie se sépare de plus en plus nettement de la théologie; la critique historique des textes sacrés attaque aussi les certitudes de la foi.
  • Les scientifiques, affranchis des a priori théologiques font progresser l'astronomie, la physique, les mathématiques (Newton, Halley, Leibniz, Huygens). D'où, un début de curiosité critique fondée sur l'expérience et la liberté. Les voyageurs de plus en plus nombreux incitent à la comparaison des différentes civilisations. Des valeurs nouvelles font leur apparition : la Nature, le Bonheur terrestre, le progrès, telles sont les tendances du nouvel esprit "philosophique" qui se forme alors.
  • La Querelle des Anciens et des Modernes (1670-1690) oppose aux tenants des règles et du respect absolu de la perfection de l'Antiquité (Boileau, La Fontaine, Racine, Molière, La Bruyère) ceux qui croient au progrès de la littérature (Perrault, Fénélon, Fontenelle). Tandis que se maintient l'esthétique classique, se font jour des conceptions qui rendent la beauté relative à la pensée ou à la sensibilité du sujet qui perçoit. La littérature reste moins novatrice que la peinture (Watteau). Après la vogue brève, mais intense du conte de fées, la seule tendance littéraire en progrès est un retour au comique excentrique, critique et réaliste tout à la fois, influencé notamment par la verve picaresque. Romans et comédies sont peu classiques dans leur forme et surtout significatifs par les milieux qu'ils dépeignent, de la revanche des gens d'affaire sur l'aristocratie (Figaro).

 

La littérature des "Philosophes" (1720-1770)

La littérature vulgarise les principaux thèmes scientifiques et moraux de la "Philosophie des Lumières ". Il ne s'agit pas à proprement parler de philosophie, et encore moins de système rigoureux : c'est une attitude d'esprit inspirée de la méthode scientifique, cherchant à découvrir la vérité derrière les ténèbres des préjugés, à l'aide de la Raison illuminatrice. Ruinant les dogmes, la pensée s'établit dans l'utile et le concret. L'extension du public, moins érudit, fait qu'on est plus soucieux d'application pratique que de théorie, et d'actualité que d'éternel. L'essentiel est d'être utile à la collectivité, en organisant une nouvelle vision de l'univers : le centre n'en est plus la religion, mais l'homme, être libre et raisonnant. L'essentiel du mouvement scientifique n'est pas français mais la prééminence intellectuelle et littéraire de la France est telle qu'on parle alors d' "Europe française".

Philosophes : désigne au XVIIIe siècle les écrivains qui, usant de leur esprit, se sont donné pour tâche de détruire les idées préconçues. Ébranlant ainsi les fondements de l'édifice social, moral et religieux, ils ont tenté d'instaurer un nouvel art de vivre fondé sur la liberté, la raison et la justice (dénonciation de la guerre, de l'esclavage, du racisme, lutte contre le fanatisme religieux). Ils ont favorisé le développement de l'esprit critique, préparant ainsi la Révolution de 1789.
Siècle des Lumières : nom donné au XVIIIe siècle, dans la mesure où les philosophes ont contribué à éclairer les esprits trop souvent aveuglés par les préjugés et les croyances trompeuses. La "philosophie des Lumières" se fonde sur la Raison pour juger de toute chose; elle rejette les explications d'origine surnaturelle (ainsi, l'on ne peut croire que la foudre soit un effet de la colère divine); elle s'appuie sur l'expérience, et non sur la tradition, pour atteindre la vérité; enfin, elle prône avant tout le respect absolu de la personne humaine (esprit de tolérance).

1721

Montesquieu

Lettres Persanes

1747

Voltaire

Zadig

1748

Montesquieu

L'Esprit des lois

1749

Buffon

Histoire naturelle

 

Condillac

Essai sur l'origine des connaissances humaines

1751-80

Diderot, d'Alembert, et ...

L'Encyclopédie

1755

J.-J. Rousseau

Discours sur l'origine de l'inégalité

1759

Voltaire

Candide

1762

J.-J. Rousseau

Le Contrat social , Émile

1770

D'Holbach

Le Système de la nature

1772

Diderot

Supplément au voyage de Bougainville

Le groupe des gens de lettres reflète les tensions du monde social, mais une même aspiration crée son unité : le désir de la liberté de penser. Peu d'écrivains vivent de leur plume sauf ceux qui, comme Voltaire, cumulent la fortune personnelle, les pensions et les affaires commerciales.

La censure est toujours très sévère à l'égard des livres subversifs. Montesquieu lui-même sera imprimé à l'étranger. Les salons parisiens et les académies provinciales jouent un grand rôle dans la diffusion de la culture. L'influence dominante est anglaise (Swift, Locke, Hume).

Soutenant une idéologie de progrès, de tolérance et de bonheur matériel, contre toutes les contraintes de la monarchie ou de la religion, les philosophes trouvent une large audience auprès de la bourgeoisie. L'Encyclopédie est condamnée pour son matérialisme (1759) mais le déisme est une attitude de plus en plus fréquente.

Les principes de l'art classique sont maintenus alors que la notion de relativité s'impose en philosophie.

L'influence des récits de voyageurs incite à s'interroger sur l'anthropologie, les notions de "sauvage" et de "civilisé", le bien-fondé de l'esclavage.

La poésie est assez froide, les "bergeries " sont en vogue. La prose domine, variée, usant volontiers de l'ironie là où le didactisme choquerait sans convaincre. Correspondance intense à travers l'Europe. Les trois tendances majeures du mouvement : normatif, polémique, mondain. Le conte philosophique (Voltaire) est la forme littéraire la plus originale qui puisse les exprimer toutes trois.

 

La littérature "du coeur et de l'esprit" (1730-1789)

Cette littérature propage une morale nouvelle à base de sensibilité et de sensualisme, dégagée tout à fait des impératifs et dogmes religieux. Son non-conformisme devient aussitôt suspect d'immoralité. La vie privée devient un sujet littéraire fréquent, ainsi que la description assez désenchantée du cadre de vie contemporain. Ces œuvres gardent un souci moralisateur, au moins apparent : si elles détaillent volontiers avec humour les "Égarements du coeur et de l'esprit ", et si elles abondent en scènes lestes, elles y adjoignent des commentaires souvent amers sur la corruption de la vie sociale et morale.

1730

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

1731

Abbé Prévost

Manon Lescaut

1746-74

Diderot

La Religieuse, Le Neveu de Rameau, Jacques le Fataliste

1775

Beaumarchais

Le Barbier de Séville

1782

Choderlos de Laclos

Les Liaisons dangereuses

1784

Beaumarchais

Le Mariage de Figaro

Le public s'est considérablement élargi : l'alphabétisation est très avancée, surtout dans les villes, même chez les femmes. La création de cabinets de lecture où on peut louer des livres (1760) multiplie la facilité de lire et profite surtout aux journaux et aux romans.

Littérature qui montre crûment le rôle dominant de l'argent et les luttes pour la promotion sociale : la liberté est sans emploi dans un monde dur, et la sincérité amoureuse constamment brimée par l'immoralité et les contraintes sociales. Le terme "libertinage" désigne maintenant la liberté des moeurs.

Libertin : (du latin libertinus : affranchi) : alors qu'au XVIIe siècle, le libertin était plutôt un libre penseur sceptique et méfiant à l'égard de tous les dogmes, au XVIIIe siècle, le mot désigne davantage un personnage aux moeurs dissolues, affranchi de toute contrainte morale ou sociale.

Le roman est méprisé mais inévitable on écrit donc des contes, nouvelles, lettres, des histoires pour masquer le romanesque. Le roman épistolaire connaît un franc succès. Un thème fréquent est celui de la découverte par un être jeune et plein d'élan de la difficulté à s'accomplir pleinement dans un monde répressif et des accommodements et tricheries dont il faut payer son insertion sociale. La révolte se résout en rêverie, en libertinage, ou se fait marginalisation sociale.

 

Le goût pour le sentiment (1760-1800)

Diderot et surtout Rousseau (qui influencera beaucoup les Romantiques, (cfr 3.1) sont les symboles d'une modification radicale des sensibilités, en se réclamant d'une vérité des passions et en assignant à l'œuvre d'art le but principal d'émouvoir. L'émotion devient centrale, déterminant tous les actes humains, les liens sociaux, mais aussi les liens entre l'homme et la nature. Elle est un moyen de connaissance supérieur et toujours juste puisque domine l'idée que la Nature est bonne. Ce mouvement est un des premiers mouvements littéraires du rêve et de la tristesse qu'on a parfois appelé "préromantisme ".

1757

Diderot

Le Fils naturel

1761-82

J.-J. Rousseau

La Nouvelle Héloïse, Les Rêveries du promeneur solitaire, Confessions

1772

Gilbert

Le Poète malheureux

1772

Cazotte

Le Diable amoureux

1779-94

Restif de la Bretonne

La Vie de mon père, Les Nuits de Paris

1782

Delille

Les Jardins

1787

Bernardin de St-Pierre

Paul et Virginie

A partir des années 1770, l'auteur qui vend son manuscrit garde un droit sur les réimpressions et on lui reconnaît la propriété de son oeuvre. C'est le début du vedettariat littéraire. Celui qui a du succès peut vivre, et bien, de sa plume.

La société apparaît comme fondamentalement opposée à la morale, à la nature, à la bonté primordiale de l'homme; aussi les auteurs seront-ils plus révolutionnaires que la philosophie libérale. La religiosité côtoie la volonté de réforme sociale. Succès de l'occultisme et du mysticisme.

L'esthétique du Sublime repose sur le dépassement dans l'émotion artistique des normes communes. La notion de Génie, désormais appliquée à l'écrivain créateur et liée aux notions de nature et d'enthousiasme, privilégie l'improvisation sous la dictée des passions plutôt que la composition réfléchie. En rapport avec la traduction d'oeuvres anglaises, ce sont les thèmes (jardins, clairs de lune,...) qui évoluent plus que la forme qui reste néoclassique.

L'autobiographie avouée ou voilée donne naissance à un style nouveau. La description des paysages recherche le pittoresque et l'exotique sous l'influence des récits de voyage. Les techniques de la description sont mises au point ainsi qu'une sorte de répertoire des paysages types, associés à certaines émotions.

 
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