La décolonisation pacifique : Le cas du Ghana

Le Ghana est au cœur d’une région subsaharienne qui est le fleuron de la culture africaine depuis le premier millénaire avant J.-C. dans le travail du métal, la sculpture et l’agriculture.

Le Ghana moderne tire son nom de l’ancien royaume du Ghana, environ 800 km au nord d’Accra, qui a fleuri au XIe siècle. L’un des grands États soudanais qui dominent l’histoire africaine, le royaume du Ghana a contrôlé le commerce d’or dans dans sud et les routes commerciales du Sahara vers le nord. L’ancien Ghana était au centre du commerce de l’exportation de cuivre du Sahara et du sel.

L’arrivée des Européens a modifié la structure des échanges, et le centre d’intérêt économique est déplacé vers la côte ouest-africaine en ligne. Les Portugais sont venus en premier, en cherchant l’or africain. Il se trouvait trop loin dans les terres. Sur la Gold Coast ils ont trouvé une région où l’or pouvait être extrait, exportés par de nouvelles routes commerciales. Leur fort à Elmina ( «la mine») a été le premier d’une série de forts le long de la Gold Coast conçu pour repousser les marins d’autres pays européens qui voulaient  leurs parts de profits des échanges de la Gold Coast.

Jusqu’au milieu du 20e siècle, seuls deux pays en Afrique noire sont indépendants, l’Éthiopie et le Libéria. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les Africains sont de plus en plus nombreux à réclamer leur indépendance, l’opinion internationale évolue, la plupart des puissances coloniales, de gré ou de force, évoluent sur la voie de la décolonisation.

Un pays en Afrique noire est en avance sur les autres, et est le premier à accéder à la souveraineté. Il s’agit de l’ex Gold Coast, qui devient le Ghana sous le premier ministre, Francis Kwame Nkrumah, qui est un des hommes politiques les plus populaires d’Afrique. A minuit, dans la nuit du cinq au 6 mars 1957, le drapeau britannique, « l’Union Jack », est remplacé par le drapeau du Ghana, qui est de couleur rouge-vert-jaune. Des cérémonies ont été organisées dans tout le pays, douze ministres et chefs de gouvernement, ainsi que trente-neuf représentants de pays étrangers participent aux festivités célébrant la naissance du nouvel État africain.  Kwame Nrumah  est porté en triomphe par les membres du cabinet dans les rues d’Accra où 100 000 personnes se sont massées. « Liberté, liberté, plus de Côte d’Or. Vive le Ghana  » crie la foule.

Kwame Nkrumah (21 septembre 1909 à Nkroful, Ghana – 27 avril 1972 à Bucarest, Roumanie) est un homme politique indépendantiste et panafricaniste ghanéen qui dirigea le Ghana indépendant en tant que premier ministre de 1957 à 1960 puis en tant que président de 1960 à 1966.

Il fait ses études en Angleterre et aux États-Unis d’Amérique. En 1945, il participe à l’organisation du Congrès panafricain. Il retourne en Côte-de-l’Or en 1947 et devient secrétaire général du parti indépendantiste, l’UGCC (United Gold Coast Convention). Il quitte l’UGCC pour fonder un autre parti : la Convention People’s Party (CPP).

Souhaitant l’indépendance, Nkrumah appelle au boycottage et à la désobéissance civile, ce qui lui vaut d’être emprisonné par les autorités britanniques jusqu’en 1951. Ami personnel du père du panafricanisme, le Caribéen George Padmore, Nkrumah organise avec lui les 6e et 7e conférences panafricaines en 1953 à Kumasi et 1958 à Accra, qui est également la première conférence des États indépendants d’Afrique.

En plus de revendiquer l’indépendance immédiate de l’Afrique, il prône la formation d’une identité supranationale : les « États-Unis d’Afrique » qui permettrait au continent de devenir l’une des plus grandes forces du monde. Dans ce but, il s’engage en 1958, à poursuivre avec ses homologues africains, « une politique africaine commune ».

Donc après les élections législatives de 1956, ou le CPP remporte les trois quarts des sièges, Nkrumah, fort de son succès, oblige alors le Royaume-Uni à concéder l’indépendance, qui est proclamée le 6 mars 1957.  La Côte-de-l’Or devient ainsi la première colonie à obtenir son indépendance après le Soudan (1956). Nkrumah, ému aux larmes, prend la parole : « Enfin, Ghana, notre cher pays, est libre. La domination étrangère et l’impérialisme ne sont plus. À partir d’aujourd’hui, vous devez changer votre attitude, car vous devez comprendre que vous n’êtes plus un peuple colonial, mais un peuple indépendant et libre ». Il se marie fin 1957 avec Fathia Rizk, une  égyptienne. Le jour même de l’indépendance, Nkrumah décide d’abandonner le nom colonial du pays au profit de l’actuel, en hommage à l’Empire du Ghana. Tout en demeurant dans le Commonwealth, le Ghana de Nkrumah devient, le 1er juillet 1960, une république.

Nkrumah échappe à deux tentatives d’assassinat en août 1962 et en janvier 1964 qui vont le plonger dans une véritable paranoïa. Ne croyant plus en personne, ne supportant plus aucune critique, Nkrumah se met à durcir son régime, tandis qu’il promeut un véritable culte à sa personnalité, se faisant appeler l’ « Osagyefo » (le « Rédempteur »).

En mars 1963, il participe activement à la rédaction de la charte de l’Organisation de l’unité africaine, même si son idée de créer un gouvernement central africain n’est pas retenue aussi cette année, il restreint l’indépendance du pouvoir judiciaire et érige, le 26 janvier 1964, le monopartisme avec le CPP, instituant ainsi une dictature de parti unique. Puis la même année se proclame président à vie. La bourgeoisie locale n’apprécie guère l’artisan de l’indépendance du pays. En pleine guerre froide, le charismatique Nkrumah est surveillé de près par les Américains qui ont la hantise de la contagion communiste, et qui sont prêts à tout pour l’éviter. Les conditions sont donc réunies pour une éviction de Nkrumah.

Le 24 février 1966, alors qu’il est en voyage en Chine, Nkrumah est renversé, sans aucune résistance, par un coup d’État militaire. Il se réfugie alors en Guinée, chez son ami Sékou Touré qui lui propose vainement la coprésidence du pays. Il fonde alors, dans son pays d’exil, une maison d’édition qui publie ses théories révolutionnaires et ses livres sur l’Unité africaine. Le 27 avril 1972, il décède dans un hôpital de Bucarest en Roumanie, de la suite d’un cancer de l’estomac. La mort du père de l’indépendance du Ghana est pleurée dans toute l’Afrique.

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